Histoire originale de Philippe Barmettler, 2019
Juin 2019, par une journée ensoleillée et caniculaire, les lourdes portes de la prison très haute sécurité de Sing Sing, proche de New York, s’ouvrent lentement. Vincent, grand et élancé, les franchit timidement, sous les regards inexpressifs des gardiens lourdement armés. Il est enfin libre, mais terrorisé !
Ses 33 ans d’isolement total en « supermax », le quartier de très haute sécurité, où sont enfermés les espions les plus dangereux l’ont privé de l’air de la liberté. D’un pas lent et très hésitant, il s’approche de la voiture de police qui l’attend. Il porte son teeshirt « Mexico 86 » avec le logo de la coupe du monde de football et un jeans très usé, habits qu’il portait lors de son arrestation. Le policier qui va l’emmener en ville lui fait signe d’approcher. Vincent est tétanisé, il a tellement peur de l’inconnu qu’il transpire abondamment. Il prend néanmoins place sur la banquette arrière. Sirène hurlante, la voiture de police démarre dans un nuage de poussière, lorsque soudain la voix du GPS dicte la route au chauffeur. Vincent sursaute ! Il se penche, se retourne, s’agite pour essayer de trouver où est cachée la dame qui parle… comment fait-elle pour savoir où ils sont et où ils veulent aller ? Il ne peut pas comprendre et n’essaye même pas de demander au chauffeur car il sait très bien qu’il ne lui répondra pas. Cette première expérience de liberté retrouvée ne le rassure pas.
Arrivé au point de rendez-vous, devant l’aéroport JFK, le consul de France, Arnaud de la Verpillière, lève le bras pour signaler sa présence à la voiture de police. La voiture s’arrête. Le policier descend, ouvre la porte de Vincent, le fait sortir vigoureusement, jette son sac par terre et repart dans un crissement de pneu. Comme s’il était satisfait de ne plus le voir. Le consul remet à Vincent son passeport fraichement refait, avec comme photo, son portrait d’il y a une trentaine d’année, avec les cheveux sur les épaules et une barbe d’une semaine, un billet de 100 dollars et un billet d’avion pour rentrer à Paris. Il lui souhaite bonne chance et lui fait promettre de ne plus jamais revenir à New-York. Vincent s’éloigne sans un regard, ni un merci et s’engouffre dans le terminal.
Dans l’aérogare, une sensation pesante l’envahit : il est libre de ses mouvements, mais toutes ces personnes qu’il ne connait pas autour de lui l’oppressent. Il vient de quitter le « confort » de sa prison où il connaissait tout le monde et se sentait en « sécurité ». Il reste un long moment devant le tableau des vols, repère le sien, regarde une horloge et constate qu’il a trois heures pour embarquer, puis fait la longue queue du check in. Il se sent étouffé par la foule. Lorsqu’il arrive au contrôle de sécurité il constate que les uniformes sont différents de ceux de ses gardiens dans sa prison, mais que les contrôles sont toujours aussi drastiques. Il se remémore son arrestation lorsqu’il avance d’un pas hésitant vers l’officier en lui tendant son passeport. L’officier d’immigration le dévisage d’un air très soupçonneux, puis fini par lui faire signe de passer. Vincent pousse un long soupir de soulagement.
Il embarque dans l’avion et se retrouve assis à côté d’un homme d’affaire qui travaille déjà sur son ordinateur portable. C’est la première fois qu’il en voit un ! Il trouve que ça ressemble à une machine à écrire avec une très petite télévision… il se risque à lui demander ce que c’est, mais son voisin pense qu’il veut se moquer de lui. Il ne lui répond pas ! Comme Vincent est intrigué, il tente de comprendre par lui-même en jetant de nombreux regards sur l’écran. Son voisin ne supporte pas cette intrusion, ferme son laptop, le range dans son sac et s’endort…
Arrivé à Paris, au terminal de l’aéroport, Vincent veut changer ses dollars en francs français… l’agent de change l’informe que ça n’existe plus, qu’ils ont été remplacés par des euros. Résigné, il accepte et prend l’agent qu’on lui donne sans vérifier. En sortant, il s’assoit dans un café, commande un café et mange un croissant. Ça lui rappelle de nombreux très vieux souvenirs. En souriant, il règle le garçon puis s’approche d’une cabine téléphonique pour appeler ses parents. Il constate qu’elle est cassée. Il n’y a pas de cadrant et qu’en plus, il n’y a pas de fente pour y introduire des pièces. Il découvre qu’elles fonctionnent avec des cartes ! Il accepte tous ces changements sans chercher à les comprendre.
Comme il ne peut prévenir ses parents, il s’approche de la gare, pour aller chez eux en train. Il découvre un nombre impressionnant de personnes qui ont des écouteurs sur les oreilles et une très petite télé sous les yeux. Vincent se demande pourquoi ? Sont-ils tous handicapés ? Ça ne le rassure pas ! Il continue de dévisager ces personnes qui marchent, le visage livide, sans expression, le regard fixé sur leurs écrans, à promener leurs doigts sur cette petite vitre, il ne comprend pas ce qu’ils font. Il pense que ce sont des robots ou des extraterrestres. Des personnes entrent et sortent des rames en se bousculant, ne pouvant se laisser passer ou se saluer, tellement elles sont absorbées par leurs appareils.
Vincent a pris place dans le train. Il entend une jeune femme assise derrière lui, parler discrètement à son ami, pour lui dire des mots d’amour, des mots tendres. Vincent pense que c’est pour lui. Il est tétanisé. 33 ans qu’il n’a pas entendu une femme lui dire ce genre de chose. Il prend son courage à deux mains, se retourne pour lui répondre et constate qu’elle parle toute seule, au téléphone. Elle lui jette un regard noir, se lève et s’en va à l’autre bout de la rame. Décidément, il ne comprend rien au nouveau monde qu’il découvre. Puis, deux ados s’assoient à côté de lui et vérifient l’heure de la correspondance de leurs trains sur leurs iPhones. Il est vraiment très intrigué. Lorsqu’à la gare de sa prochaine correspondance, il constate que l’information de l’iPhone et celle affichée sur le quai étaient les mêmes, il commence à comprendre l’utilité de ces appareils. Il poursuit son trajet et tout à coup, à l’entrée du train dans une gare, Vincent sursaute, blêmit et se laisse glisser sur la banquette pour se cacher lorsque qu’il découvre une affiche avec une représentation de martien où il est écrit : ils sont partout ! Il est choqué par cette pub qui vante les mérites d’une voiture. Il se demande si cette évolution technologique est d’origine humaine ou si c’est une technologie venue d’ailleurs. Enfant, il avait déjà très peur des extraterrestres. Malgré cela, il rêvait de devenir pilote de ligne, mais ses mauvais résultats scolaires l’en ont dissuadé. Arrivé à la gare terminus, il voit un grand parc en face de lui. Comme personne ne l’attend, il en profite pour aller se promener au calme afin de se remettre de ses émotions en s’isolant.
Vincent sort du parc en marchant lentement. Il déambule dans sa ville. Les très nombreuses nouvelles constructions le perturbent, bien qu’il reconnaisse les lieux. Le centre-ville n’a pas changé, à part la Mairie fraîchement rénovée. Les commerces du centre sont toujours là. Il se sent de retour chez lui. Enfin dans un environnement familier où il a des repères. Il profite d’un rayon de soleil pour s’attabler à la terrasse du café du commerce, commande une bière et le journal du jour. Un article attire son attention sur les ambitions présidentielles du Maire de la ville, Georges Daltel. Tout à coup, il est interrompu par un groupe important de personnes, qui se déplacent très rapidement, en sortant à pied de l’Hôtel de Ville. Le Maire, entouré de ses conseillers se rendent à une inauguration. Les journalistes, caméra et micro au poing l’entourent et lui posent de très nombreuses questions, notamment au sujet de sa future candidature à la présidence de la République, position qu’il rêve d’atteindre depuis toujours pour continuer à s’enrichir et assouvir sa soif de pouvoir. Lorsqu’ils passent à proximité de Vincent, Georges l’aperçoit, le reconnait et surpris glisse discrètement un mot à l’oreille de son secrétaire particulier en se mettant la main devant la bouche pour masquer ses propos. Vincent regarde passer cette meute sans sourcilier. A SUIVRE…
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